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Un élu FN met Jean Jaurès sur ses affiches de campagne aux européennes

Un portrait de Jean Jaurès orne les affiches de campagne d'un candidat du Front National aux élections européennes de juin, placardées à Carmaux (Tarn), fief du fondateur du Parti socialiste (à l'époque SFIO) en 1905, révèle jeudi le quotidien régional L'Indépendant.

Un portrait de Jean Jaurès orne les affiches de campagne d'un candidat du Front National aux élections européennes de juin, placardées à Carmaux (Tarn), fief du fondateur du Parti socialiste (à l'époque SFIO) en 1905, révèle jeudi le quotidien régional L'Indépendant.

Le portrait de Jaurès, orné d?une citation "A celui qui n?a plus rien, la Patrie est son seul bien !", est imprimé sur les affiches de campagne de Louis Aliot, avec un bandeau affirmant "Jaurès aurait voté Front National".

Conseiller municipal à Perpignan et conseiller régional Midi-Pyrénées, Louis Aliot est également secrétaire général du FN.

Il avait recueilli 10,42% des suffrages au second tour de l'élection municipale à Perpignan, annulée par la suite pour cause de "fraude à la chaussette" par le tribunal administratif de Montpellier.

La liste du maire UMP Jean-Paul Alduy avait obtenu 45,48% des suffrages exprimés, contre 44,11% pour la socialiste Jacqueline Amiel-Donat.

"Au moment où nombre de nos compatriotes commémorent cette année le centcinquantenaire de la naissance de Jean Jaurès (1859-1914), voilà une manière de rappeler qu?aujourd?hui, la seule formation politique en France à défendre les valeurs de justice sociale et d?humanisme est le Front National", affirme Louis Aliot sur son site internet.

Cette affiche n?est pas encore apposée sur tous les murs de la circonscription dans laquelle Louis Aliot est candidat, mais seulement à Carmaux où Jean-Luc Mélenchon, fondateur du Parti de gauche et tête de liste dans le Sud-Ouest, y a tenu un meeting la semaine dernière.

"Jean Jaurès est au Panthéon. C?est un personnage public qui appartient à la France et à tous ces citoyens", a estimé M. Aliot, cité par L'lndépendant, ajoutant que "Bruno Gollnisch dans l?Est et Marine Le Pen dans le Nord vont reprendre" la même affiche.

Le député-maire de Toulouse (PS) Pierre Cohen a dénoncé, mercredi dans un communiqué, une "nouvelle provocation" du Front National, soulignant que l'engagement pacifiste de Jean Jaurès "lui a valu les insultes et la haine des nationalistes, la famille politique de Louis Aliot".

"Cette campagne haineuse a armé la main de Villain qui l?a assassiné le 31 juillet 1914 à Paris", a ajouté M. Cohen.

André Barthélemy, membre de la Commission nationale consultative des droits de l'homme et président de l'ONG lyonnaise Agir ensemble pour les droits de l'homme (AEDH) a été condamné, jeudi 19 mars, à 1 500 euros d'amende par le tribunal correctionnel de Bobigny pour avoir protesté contre l'expulsion de deux Congolais. Alerté par les cris de deux passagers sans-papiers reconduits et escortés à bord d'un vol Air France Paris-Brazaville en avril 2008, M. Barthélemy aurait protesté contre les conditions de cette reconduite, incitant les autres passagers à la révolte, selon la police. Les magistrats l'ont reconnu coupable de "provocation directe à la rébellion" et d'"entrave volontaire à la navigation". Véronique Rouault, directrice d'AEDH, se dit "très surprise par la décision, qui manifeste un raidissement de la jurisprudence en la matière" et envisage de faire appel, a-t-elle confié au Monde.

Comment l'antisarkozysme progresse

L'antisarkozysme est de retour. Ce qui n'était encore qu'une réaction des milieux les plus militants et radicaux aux débuts de la présidence de Nicolas Sarkozy devient un sentiment plus répandu dans l'opinion. Alors qu'il peine à convaincre de la pertinence de son plan anticrise, le chef de l'Etat cristallise un mécontentement croissant.

Ce dernier s'exprime dans les grèves ouvrières contre les fermetures d'usines, mais aussi dans des catégories jusqu'ici relativement protégées : magistrats, avocats, médecins, enseignants, étudiants et cadres. "On assiste à une déception incontestable de l'électorat. Elle ne s'est pas encore transformée en désaffection. Mais la crise et la remontée du chômage ne peuvent que générer un mouvement social qui va se traduire par un antisarkozysme plus marqué", analyse Denis Pingaud, vice-président exécutif de l'institut Opinionway.

Le refus d'une société mise en fiches, déshumanisée et au service de l'argent roi, s'est élargi. Multiforme, la contestation va des altermondialistes aux Verts, en passant par les militants anti-OGM et les opposants à l'incarcération de Julien Coupat dans l'affaire des sabotages des lignes SNCF.

L'"Appel des appels" en est la traduction. Depuis son foyer d'origine (les milieux psychanalytiques), il a su fédérer une multitude de mécontentements via les collectifs "Non au fichier Edvige", "Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans", "Sauvons l'hôpital public", "Sauvons les Rased" (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté), "Sauvons la recherche", "Sauvons l'université"... L'initiative surfe sur les réformes tous azimuts voulues par M. Sarkozy.

"Le temps est venu, de coordonner ces différents mouvements et d'en tirer tout le sens politique", préviennent les signataires de ce manifeste qui a déjà conquis 71 000 personnes. L'un de ses initiateurs, Roland Gori, psychanalyste, souhaite, lors d'une réunion à Paris, le 22 mars, transformer la pétition en "cahier des charges, comme les cahiers de doléances de 1789" et constituer un front uni des protestations.

"CONVERGENCE DES LUTTES"

D'autres expériences militantes témoignent de ce changement de climat. Leila Chaibi, une des animatrices de "l'Appel et la pioche", collectif de jeunes précaires et salariés proches du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), assure que les actions de réquisition qu'elle organise dans des supermarchés attirent de plus en plus de monde. "Les gens sentent bien que le pouvoir se fout d'eux et qu'on peut repousser les limites de la désobéissance civile", explique-t-elle.

Le même écho provient des militants de Génération précaire, qui dénoncent les stages gratuits, ou de Jeudi noir dans le domaine du logement. "Les mauvaises réponses à la crise fédèrent contre Sarkozy, et le ras-le-bol monte", confirme Julien Bayou, qui participe à ces mouvements. Les politologues notent que Nicolas Sarkozy n'a plus le monopole du "mouvement" sur la scène politique, dont il disposait encore à l'automne 2008 malgré une popularité en baisse. L'aggravation de la crise économique et le sentiment que le plan de relance n'est pas à la hauteur ont changé la donne.

"La logique du mouvement perpétuel voulue par Sarkozy est arrivée à épuisement. Elle ne marche plus parce que le mouvement social a réussi à faire le lien entre des mobilisations aussi différentes que celle des enseignants-chercheurs, celle contre les licenciements dans l'automobile ou dans le secteur hospitalier", résume Vincent Tiberj, chercheur à l'Institut d'études politiques de Paris.

La montée de la contestation sociale, sectorielle, puis nationale avec l'entrée en scène des confédérations syndicales, a, semble-t-il, donné un sens au ressentiment anti-Sarkozy. La grande manifestation interprofessionnelle du 29 janvier en a été, à ce jour, l'expression la plus forte. "L'antisarkozysme fédérait tout", remarque Annick Coupé, porte-parole de Solidaires.

"Le 29, s'est exprimé le rejet du mépris ressenti de la part du président. Le slogan "tu l'as vu ma grève ?" en était le symbole", renchérit Jérome Fourquet, directeur de l'IFOP.

"C'est l'expression d'un anti-sarkozysme par le bas, d'un nouvel imaginaire politique inscrit dans le mouvement social", assure encore Stéphane Rozès, directeur général de l'institut CSA. Un climat dont profite la gauche radicale, M. Besancenot en tête. La victoire du Collectif LKP en Guadeloupe s'est inscrite dans ce paysage.

Le maître mot est désormais la "convergence des luttes". Prochain rendez-vous : le 19 mars, nouvelle journée de mobilisation interprofessionnelle.

Marc Dupuis et Sylvia Zappi
Article paru dans l'édition du 08.03.09.

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